Partie I – Un froid familier, une chaleur inconnue, une faim vaincue.La montagne de fer, pas un bruit, il n’y a que le vent qui traverse les maigres remparts constituant ma cachette. J’ai froid, je tremble lorsque je ne bouge pas et essaye de dormir, ça devient presque un interdit. Lorsque j’ouvre les yeux je suis plongé dans le noir, je n’arrive plus à différencier l’odeur du sang ou du métal rouillé, j’ai l’impression de m’être fondu dans le décor. Je me lève et pose ma main sur la paroi de métal, elle se déchire avant de lourdement retomber au sol. Ma main me fait mal, c’est la seule partie de mon corps qui est différente du reste, j’ai peur, je ne comprends pas, je n’arrive pas à me souvenir de ce que c’est. De ce que je suis. Le soleil est haut et semble inchangé, me regardant de haut et restant silencieux. Je n’aime pas ça, mais je ne trouve pas le courage de l’insulter. Ni de raisons. Je passe ma main dans mes cheveux sales, j’essaye de retirer quelque chose qui s’est coincé dedans mais je n’y arrive pas. Mes cheveux sont devenus gras et épais, ils sont lourds, je n’aime pas ça. J’évite de trop y toucher, j’ai peur de m’arracher la tête avec ma propre main.
Après un silence déplaisant mais commun, j’entends quelque chose. Ma tête se tourne machinalement, mes yeux sans vie se posant sur cette petite bête. Je ne connaissais pas le nom de cette chose poilue avec une longue queue rose, mais j’ai déjà réussi à en attraper quelques unes et à les manger. Avant même que mon estomac tordu par le faim ne gronde, je bondis sur la créature, me contentant de réaliser ce que j’essaye de faire tous les jours : survivre. J’échoue, la bestiole s’enfuit en poussant des petits cris, je décide de ne pas abandonner et de poursuivre mon repas. Elle s’infiltre dans une armure, espérant se protéger de moi. Je ne lui laisse pas le temps d’espérer et sent mes doigts transpercer la maille avant de l’arracher d’un coup sec, mon autre main saisissant rapidement la bête prête à sauter. Elle se débat, pousse des gémissements, gesticule dans tous les sens. J’ai une drôle de sensation dans mon ventre, ça ne ressemble pas à la faim habituelle. Je ne me sens pas bien, cette situation, je ne l’aime pas. La créature a peur, peut-être a-t-elle encore de l’espoir, sans garder confiance dans ses petites griffes ou ses crocs ne pouvant atteindre ma chair, elle continue à se battre. Je me demande pour quelle raison je continue à me battre contre la faim. Pour survivre, mais survivre à quoi ? Cette vie ? Une vie froide, dans une décharge repoussante. Aurais-je autant envie de vivre si un jour, moi aussi, je me fais saisir par quelqu’un ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je déteste y penser, ça me fait ressortir des choses étranges. Je vais me contenter de la tuer. Ce sera plus rapide, plus facile, et sans douleur pour elle.
Je passe ma main bizarre sur la tête de la créature, je l’entends mordre et griffer mais je ne sens rien. Tout aurait pu se finir rapidement mais je me suis arrêté, une voix me parle. Je relève la tête et je le remarque. Je ne sais pas ce qu’il est, il me ressemble beaucoup, même s’il est plus grand, et que ses cheveux sont noirs. Il me regarde, avant de regarder autour de moi, pour enfin poser son regard sur ce que j’avais entre les mains. «
Tu comptes manger ce rat ? Il y a mieux comme nourriture, tu sais », j’ai failli sursauter, sa voix faisait écho dans mon oreille, depuis que j’étais ici je n’avais entendu que ma propre voix, je ne savais pas si je rencontrerais quelqu’un ou quelque chose capable de parler aussi. Je suis confus, je ne sais pas quoi faire. C’est la première fois que je vois quelqu’un comme lui, quelqu’un comme moi. Que me veut-il, la bête que j’avais entre les mains ? Je n’ai pas bien compris ce qu’il m’a dit, trop perturbé par sa voix. Je recule d’un pas, je garde la créature avec moi, elle ne se débat plus, sûrement à court d’énergie. L’homme me regarde, il ne sourit pas mais ne donne pas l’air de penser grand-chose. Il me tend la main. «
Si tu veux, je peux te donner à manger. Je n’habite pas très loin. »
Je ne sais pas quoi répondre. Je ne sais pas comment répondre. Ce que je veux ? Qu’est-ce que je veux ? Manger, survivre, exister. Dois-je le suivre ? Pour aller où ? Je ne sais pas. Je ne connais que la décharge, rien d’autre. J’hésite, je doute, je crains. Il est comme moi, en plus grand. Peut-être que lui aussi a faim. Peut-être qu’il veut me manger. Je ne le laisserais pas faire. Je le mangerais avant. Je dois agir vite. La bête que j’avais dans les mains tombe, elle s’enfuit très rapidement une fois ses pattes libres. Dans un souffle je saute sur le grand homme, j’essaye de l’attraper avec ma main écaillée. J’échoue. Il attrape ma main avec la sienne et la garde entre ses doigts. Il semble surpris, il à l’air curieux. J’essaye de me débattre en forçant sur mon bras. Rien à y faire, je n’ai pas assez de force pour m’échapper. J’ai été attrapé, je vais être tué puis mangé. C’est la fin. Peut-être que ce n’est pas si mal. Je ferme les yeux alors que je vois son autre main s’approcher de mon visage. J’ai peur. Est-ce que je vais avoir mal ? Je ne veux pas avoir mal. Je ne veux pas être mangé. Je ne veux pas mourir….
«
Il faut pas faire peur aux gens comme ça, si tu n’as pas faim il suffit de le dire hein. » Je sens quelque chose de taper sur le front, ça fait mal. Je sens mon front devenir chaud, il devient rouge, mais j’arrive à ouvrir les yeux. L’homme m’a frappé avec son doigt, une pichenette ? En tout cas je passe ma main sur ma peau colorée, il me lâche. Il me laisse repartir ? Il n’a pas faim ? Il me tourne le dos et finit par repartir, ne laissant que quelques mots avant de faire signe de la main. Je regarde dans sa direction, voyant son dos devenir de plus en plus petit au fil de ses pas. Vers où ? Chez lui ? Où se rend-il exactement ? Trop de questions, pas de réponse. Seul moyen : le suivre. Je marche moi aussi, plusieurs mètres en arrière. Il ne se retourne pas, il ne fait pas attention. Il à de grandes jambes, il avance plus vite que moi. J’accélère un petit plus, je commence à moi aussi ne plus faire attention à ce qu’il y a derrière-moi. Je ne suis jamais allé aussi loin de ma cachette, je ne me sens pas à l’aise. Je manque de marcher sur un bout de métal, je frôle mon épaule contre une lame qui ressortait d’une pile…
Mais je continue d’avancer. Je ne m’arrête pas. Je continue de regarder le dos de cet homme qui marche avec confiance. Je pose mes pieds dans ses grandes traces de pas laissées dans le sable. Je finis par me figer. Un long grillage sur ma droite. Un grillage jumeau sur la gauche. Une ouverture au bout du chemin. Je sens mon cœur battre plus fort que d’habitude. Mes yeux passent sur un panneau avec écrit « Exit » dessus. La sortie ? De la décharge ? Si je continue sur ce chemin… j’allais sortir de cet endroit ? Je ne comprends pas. J’ai déjà décidé de suivre cet homme, pourquoi est-ce que je n’arrive plus à faire un pas un avant ? Je sens mes pieds s’enfoncés dans le sable, sentir ma gorge se serrer. Je doute. J’ai peur. Je ne sais pas ce qu’il y dehors. Et ce qu’il y a dehors ne sait pas que j’existe. Peut-être que je devrais repartir, retrouver la petite bête, la ramener à ma cachette pour la manger, dormir et… Recommencer. Je me retourne pour observer les amas de métaux en tout genre, je frissonne. Le vent soulève mes cheveux gras, salis. Je sens le froid traverser les quelques draps en lambeaux que je porte. Mon estomac se tord alors que la faim se fait plus grande. Pourquoi est-ce que je resterais ici ? Il n’y a rien pour moi. Je ne sais même pas pourquoi je me suis réveillé dans un tel endroit. Je veux partir. Pour toujours.
«
Tu viens ? Je ne vais pas attendre toute la journée. »
Partie II – « L’enfant lui serra fort la main……
et prononça ces mots : je t’ai… je t’ém….je t’aimmmmm…. » J’essayais de faire un effort, de manipuler ces mots que je n’avais jamais utilisés. Je fronce les sourcils, mes lèvres se serrent, je n’aime pas cette sensation. «
Tu y arriveras la prochaine, j’en suis sûre ! » disait-elle. Je sors mes yeux du livre entre mes mains et la regarde, une belle femme installée dans un lit. Adossée contre le mur, elle gardait la couverture au dessus de sa ceinture et croisait les doigts tout en m’adressant des mots de réconforts, mélangés à un sourire sincère. Je referme doucement le livre de contes pour enfant, le laissant sur mes genoux alors que je baisse naturellement les yeux. Je ne sais pas comment réagir à ce genre de choses. Je ne sais même pas pourquoi je détourne le regard. Est-ce que je fuis celui des autres ? Je ne sais pas. Je sers le poing s’en réellement m’en rendre compte, jusqu’à ce que je voie une main se poser sur la mienne. Je la regarde, encore une fois. Elle continue de me sourire. «
Approche, je vais te coiffer. » J’obéis et descend de la chaise pour monter sur le lit. Je me retrouve assis sur le lit, à regarder le miroir installé contre le mur pendant qu’elle passait délicatement ses doigts dans mes longs cheveux blancs. Comme un petit rituel après m’être exercé à lire à haute voix, elle commençait à remettre de l’ordre dans mes cheveux tombant jusqu’à mes pieds.
J’étais surpris la première fois qu’elle m’a forcé à me laver. L’eau était plus chaude que j’aurais pensé, mais elle était rapidement devenue noire une fois qu’elle m’a rincé les cheveux. C’était une longue et difficile épreuve, mais j’étais choqué du résultat. Mes cheveux étaient si… blancs. Avec le temps la saleté s’était accumulée, et je ne ressemblais à rien. D’une couleur aussi claire que ma propre peau, j’étais bien différent de l’homme qui m’avait trouvé dans la décharge. Pour ne pas dire que je suis son total opposé encore aujourd’hui. Mais cette femme me ressemblait, les traits de son visage étaient différents mais ses longs cheveux, qu’elle laissait retomber sur ses épaules, étaient de la même couleur. Je ne sais pas si cela voulait dire grand-chose, si pour elle c’était ce point en commun qui faisait qu’elle voulait s’occuper de moi, mais j’appréciais sa compagnie. C’est même la seule personne avec qui j’ai réussi à passer du temps sans me sentir mal, sans que je ne sois effrayé par cette grande maison dans laquelle je me trouvais. Je sentais ses doigts passer dans mes cheveux, c’était agréable… Elle démêlait les mèches rebelles avant de passer un coup de peigne léger. La chambre était silencieuse, aussi vide de bruit que la décharge de fer, mais ce silence ne me dérangeait pas. C’était reposant.
J’entends tousser, de plus en plus fort. Quelque chose touche ma tête dans l’arrière, je me retourne pour voir ce qu’il se passe. Elle essaye de contenir sa toux avec sa main, mais du sang s’échappe entre ses doigts. Elle est de plus en plus pâle. Quelque chose me retourne l’estomac, je le sens se nouer au fond de mes entrailles. Je n’aime pas ça. Je n’affiche plus cet air détendu sur mon visage. Mes yeux se creusent et j’essaye de la toucher de ma main, en dépit de savoir quoi faire d’autre. «
Je vais bien, ne fais pas attention… » disait-elle d’une voix faible et blessée. Elle passe sa main livre dans mes cheveux et remarque qu’il y a du sang. Elle propose d’aller les laver tout de suite, mais je ne veux pas bouger d’ici. Ce sentiment qui me serre la poitrine ainsi que la gorge me déconseille de la laisser se déplacer. Dormir. Elle doit se reposer. Dormir réussi toujours à faire passer la douleur. C’est comme ça que j’ai pu passer des journées sans manger. Je refuse de la tête et pose mes mains sur ses épaules, j’essaye de la ramener délicatement à se recoucher, à se mettre dans une meilleure position.
La porte s’ouvre subitement, l’homme qui m’a amené dans cet endroit s’approche. Il observe silencieusement, sans dire un seul mot, sans que les traits de son visage ne trahissent ses pensées. Il est neutre, aussi neutre et froid qu’une épée. Il finit par me saisir par le col des vêtements que l’on m’a offert et me soulever lentement. Je devais être très léger, car il n’a aucune difficulté à marcher tout en me soulevant. Je n’étais pas mieux que ces petites bêtes que je chassais dans la décharge, pas quand j’étais entre ses mains en tout cas. «
Fini de jouer à la poupée, laissons-la se reposer. » Il n’en dit pas plus et nous fait sortir en quelques secondes. Il me pose par-dessus son épaule et continue à marcher le long des couloirs. Je continuais de regarder en direction de la porte de sa chambre, je vois une créature avec une couronne de fleurs entrer dedans avant de refermer derrière-lui. Je n’avais pas le temps de réfléchir que j’étais jeté dans un énorme bain, la tête la première et déshabillé. Je ressors la tête de sous l’eau chaude, j’essaye de dégager mes cheveux pour espérer voir quelque chose, pour au final voir l’homme sauter plusieurs mètres en hauteur et tomber dans l’eau.
Je recrache l’eau dans ma bouche et toussote. Il n’a pas l’air gêné de m’avoir jeté de cette manière, il préfère s’adosser contre le bord et profiter du vent frais de la nuit contre sa peau, réchauffée par l’eau de la source. Je ne dis rien, mais je décide quand même de me rapprocher du bord comme il le faisait. Je baisse légèrement les yeux, je repense à ce qui venait de se passer dans la chambre. Je regarde mes cheveux, il n’y avait plus le sang. Effacé, comme mes souvenirs « avant » mon réveil. Je grince légèrement des dents tout en serrant le poing, et ça n’échappe pas au regard perçant de l’homme. «
Anna s’est bien occupée de toi ces derniers jours. J’imagine que voir un enfant dans les parages à réveiller ses instincts maternels. Tant mieux, elle n’arrêtait pas de dire que ça manquait de visages ces derniers temps. » Il boit dans une coupe presque plate, la boisson dégage une odeur sucrée et assez forte. Ses yeux se perdent dans le vide, ses lèvres continuant de partager ses pensées : «
Il y a plusieurs années de ça, Anna voyageait dans la caravane orchestrée par son mari. Il était originaire de Rokhan et il aurait réussi à faire fondre le cœur de la belle créature de Neige, m’a-t-elle dit. Ils avaient tout d’un joli couple, ils s’aimaient, ils aimaient voyager, ils aimaient rencontrer de nouvelles choses. Tout était parfait. »
Il s’arrête un instant et ses lèvres se serrent. Je vois quelque chose traverser son regard. C’était quelque chose d’intense, comme s’il brûlait d’une forte lumière avant de s’éteindre. Il soupire et dépose sa coupe sur le bord avant de regarder le ciel. «
Mais la vie n’a pas été aussi clémente avec elle. Lorsque Dreamland t’offre quelque chose, il n’hésite pas à te le reprendre et à t’en faire payer le prix. Un jour, sans que rien ne prévienne, elle a tout perdue. Les membres de la caravane, les parents de son mari, l’homme qu’elle aimait… Ils ont tous été tués lors d’une attaque de bandits. Elle a été mortellement blessée, finissant par perdre l’enfant qu’elle portait. Si je n’étais pas arrivé pour la sauver des griffes de la mort, elle aurait sûrement rejoins les êtres qu’elle aimait. ».
«
Pourquoi ? » je le regardais en levant les yeux, mes yeux d’un bleu saphir fixant l’homme qui était surpris par ma soudaine envie de poser une question. Je n’avais jamais réussi à lui adresser correctement la parole, à partager des phrases avec lui, à lui faire face. J’avais toujours l’image de cet homme me montrant son dos, que je devais suivre. Il n’y avait pas besoin de parler, seulement de marcher dans ses traces. Du moins, jusqu’à maintenant. «
Pourquoi Dreamland lui a fait ça ? » Une question innocente, une question d’enfant. J’étais un enfant, je voulais comprendre. Comprendre sa peine, comprendre pourquoi elle a dû tout perdre du jour au lendemain. L’homme se contente d’hausser les épaules. «
Parce qu’elle n’a pas eu de chance. Elle a croisé les mauvaises personnes au mauvais moment. Et ces personnes-là n’ont probablement pas eu de chance non plus pour avoir été poussés à agir de la sorte. Nous sommes tous aspirés dans une spirale formée sur des coïncidences. Et parfois ça finit mal. Très mal. »
«
Mais tu l’as sauvé. Ca veut aussi dire que parfois Dreamland peut donner une chance à ceux qui ont tout perdu. » Il est surpris, je ne sais pas si c’est parce qu’il me trouve bavard aujourd’hui, ou si c’était pour autre chose. Pour la première fois il pose sa main sur ma tête et la caresse. C’était différent qu’avec Anna, sa main était plus grande et je sentais davantage de force dans ses doigts, mais je n’étais pas dérangé par son action. J’étais même…. Content qu’il le fasse ? «
J’ai réussi à la sauver ce jour-là, mais ses blessures étaient beaucoup trop grandes pour qu’elle puisse être totalement soignée. Dreamland est capable d’offrir des miracles mais je n’ai pas été capable de trouver les ingrédients nécessaires pour la sauver. Elle est mourante, et son heure approche. » Il se relève et décide de s’en aller. Encore une fois je ne peux que regarder son dos qui continue d’aller de l’avant, mais ses épaules semblaient supporter un tout nouveau poids. Il donnait l’impression d’être… seul. Les jours passèrent et rien ne semblait avoir changé, Anna continuait de m’aider à lire et à parler et moi je restais avec elle. C’est comme s’il ne s’était rien passé. J’essayais de lire le mot que j’avais tant de mal à prononcer, jusqu’à ce qu’Anna pose sa main sur la mienne et affiche l’un des plus beaux sourires qu’elle ait pu me faire.
«
Pardonne-moi d’avoir été égoïste et de te forcer à rester avec moi. Tu ne le sais peut-être pas mais je suis heureuse d’avoir pu passer ce petit moment dans ma vie en ta compagnie, à t’observer et à m’occuper de toi. J’ai pu devenir la mère que je n’ai jamais été, et je ne t’en remercierais jamais assez. Merci, du fond du cœur… »
Je restais là, sans rien dire, sans être capable de dire quoique ce soit. Elle tenait ma main dans la sienne avec une telle force, une telle chaleur… Puis plus rien. Je sens ses doigts se détacher un par un, glissant le long de ma paume avant de retomber sur le côté. Je regarde ma main, puis Anna. Les yeux fermés et la tête reposée contre le dossier du lit, elle avait toujours une trace de son sourire sur son visage, mais son éclat avait disparu. Je monte sur le lit de mes petits bras et m’approche d’elle, je passe ma main sur sa joue encore chaude, j’essaye d’entendre son souffle comme si j’avais de l’espoir. Comme si j’espérais qu’elle se soit simplement endormie. Je murmure son nom, avant de le dire un peu plus fort, puis sans que je ne le remarque je commence à secouer ses épaules pour la réveiller tout en criant son nom. Je lui demande de se réveiller, que ce n’est pas encore l’heure de dormir, que je voulais comprendre ce qu’elle venait de me dire. J’entends la porte s’ouvrir derrière moi et plusieurs personnes entrer, mais je ne me retourne pas. Je continue de l’appeler, alors que je sens le bras du maître de la maison passer autour de ma ceinture pour me soulever et s’en aller avec moi.
«
ANNA ! ANNA ! Tu ne dois pas dormir ! ANNAAAAA !! »
«
Elle est partie rejoindre sa famille, nous ne pouvons plus rien faire d’autre. Sa vie prend fin… Mais son rêve éternel commence. » Je ne comprenais pas, ni ce que je faisais, ni ce que les autres faisaient. J’avais été prévenu, je savais qu’elle allait mourir, alors pourquoi est-ce que je m’efforce de crier son nom alors qu’elle ne peut plus m’entendre ? Pourquoi est-ce que je me débats quitte à griffer jusqu’au sang le bras de l’homme qui m’a tiré de cette maudite décharge ? Pourquoi est-ce que ce n’est qu’au moment de partir que je souhaite encore plus être avec elle ? Pourquoi ce n’est qu’à son dernier sourire que j’ai remarqué la façon dont elle me regardait et s’occuper de moi ? Je sens quelque chose de chaud remonter jusqu’à mes yeux, ma vue se brouille et j’ai la gorge si serrée que je n’arrive plus à crier son nom. De l’eau s’échappe de mes paupières, elle coule sans retenu le long de mes joues et passent sur mes lèvres. Elles ont un goût salés, je n’aime pas cette sensation. Ma voix ne porte plus, même si j’essaye de dire quelque chose ma langue et mon cerveau n’arrivent pas à trouver les bons mots. Je perds ma force, mon désir de combattre une force que je ne peux vaincre. J’engouffre mon visage contre le torse de l’homme qui continuait de me porter. Il pose sa main contre ma tête, me laissant pleurer contre lui alors que lui-même laisser une larme échapper son visage neutre..
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Je me réveille avec les yeux lourds et la gorge sèche. J’ai l’impression d’avoir les paupières creuses, si creuses que trop de larmes sont tombées. Je renifle, la mémoire encore confuse. Je me souviens d’avoir pleuré pendant des heures, d’avoir perdu mes forces, puis plus rien. Je couvre mon visage de mes mains, et me rappelle d’Anna. Les souvenirs refont surface, et avec eux la même tristesse qu’hier. Je ne comprenais pas pourquoi je me suis mis à pleurer pour elle, et pourquoi elle avait décidée de me remercier pour ses dernières paroles. Je n’étais rien, je n’étais personne. Je n’avais même pas de nom. Je ne suis qu’un enfant qui s’est réveillé dans une décharge, rien de plus. Je ne comprenais pas, et ne pas comprendre me tourmenter l’esprit… Je finis par poser mes mains contre mes oreilles pour espérer faire taire les questions incessantes. Une seule chose apporta le silence : le bruit d’une porte qui s’ouvrait. Un rayon de soleil traversait l’ouverture, et une ombre s’avançait lentement. Il me regarde avec un visage neutre, mais ses yeux gardent cette lueur meurtrie. Il est comme moi, mais il ne le montre pas. Il ne dit rien, il se contente de passer sa main dans sa poche et de me tendre une lettre. Tout ça avant de me tourner le dos et de repartir.
Je regarde la lettre un instant, hésitant. Une partie de moi n’a pas envie de la lire, de peur d’affronter de nouveau la réalité. Mais une autre partie de moi regarde en direction de cet homme, qui malgré tout continue de marcher en avant et ne jamais se retourner. J’ouvre la lettre et prend du temps à lire, mes yeux enchainant lentement les quelques mots qui m’étaient adressés. Des mots d’affections, des mots qui représentaient les rêves d’Anna, ses espoirs, ses regrets mais également son amour. Je sens mes pieds bouger d’eux-mêmes mais je continue de lire, sans prêter attention à mon entourage. Sans que je ne le remarque, je finis de lire la lettre et me retrouve devant sa chambre. Quelque chose dans ma poitrine se serre, tout comme je me pinçais les lèvres alors que le simple fait de voir une couronne de fleurs posée contre la porte me faisait mal au cœur. J’inspire profondément et décide d’ouvrir la porte, lentement. J’entre dans une chambre aux fenêtres fermées, les rideaux faisant en sorte de ne pas laisser la lumière du soleil pénétrer la pièce. Des dizaines et des dizaines de bougies étaient installaient aux quatre coins de la chambre, alors que je m’approchais du lit d’Anna. Il y avait tellement de belles fleurs, c’est comme si elle reposait dans un lit fait de pétales.
Je ravalais ma salive alors que j’avançais vers la seule chaise laissée à ses côtés. La chaise où j’avais l’habitude de m’asseoir et de lire à haute voix. Je m’installais sur cette chaise familière, me rappelant de la première fois où j’ai essayé de lire les mots de cette histoire. Je n’arrivais jamais à prononcer les derniers mots, et Anna faisait toujours en sorte de m’encourager. Je serrais la lettre dans une de mes mains alors que je regardais son visage. Elle avait perdue son teint, elle était plus pâle qu’avant, mais elle restait belle. La plus belle créature qu’il m’ait était donné de rencontrer, et qui était heureuse d’avoir pu être une mère pendant quelques jours pour moi. Je me remémore ses dernières paroles, ses derniers mots dans la lettre, et prend mon courage à deux mains alors que je décidais de monter une dernière fois dans le lit et de me blottir entre ses bras. Les larmes remontent, elles coulent sans un bruit, sans empêcher mes lèvres de faire comme Anna dans ses derniers moments.
«
Merci de m’avoir appris à lire. Merci de m’avoir appris à écrire. Merci de m’avoir appris à parler, à partager mes pensées. Merci d’avoir été là et de m’avoir prit dans tes bras la première nuit pour me réconforter. Merci de m’avoir montré à quel point mes cheveux pouvaient être beaux. Merci de t’être occupé de moi comme si j’étais ton enfant… »
Chaque merci devenait de plus en plus lourd et difficile à dire, les larmes se faisant plus présentes et les sanglots me traversant la gorge. Mais c’est quelque chose que je devais faire, pour moi, et pour Anna. Je serre fort ma main dans la sienne et prononce ces dernières paroles pour elle : «
Je t’aime, Maman. Merci de m’avoir donné un nom et de m’avoir adressé tes derniers mots, remplis d’amour, je ne t’oublierai jamais…. »
Cela devient trop dur à supporter et je décide de ne plus parler. Je laisse mes émotions incontrôlables prendre le dessus et je pleure contre elle, afin de lui faire mes adieux….
- La lettre d'Anna :
Je ne sais pas si tu liras ces mots un jour, mais il y a tant de choses que j’aimerais te dire. Lorsque Blake est revenu avec un petit enfant le suivant, j’étais surprise. Tu étais sale, blessé et affamé. Mais tu n’avais pas peur, je ne pouvais comprendre par quelle genre d’épreuve tu avais dû traverser. A ce moment-là je savais que j’allais mourir dans moins d’un mois. J’ai donc décidé de m’occuper de toi et de vouloir t’offrir un foyer digne de ce nom, car je connais Blake et même si je ne doute pas de ses intentions, je sais qu’il n’est pas capable de gérer et de s’occuper d’un enfant.
Je n’ai jamais été aussi heureuse dans ma vie qu’en étant à tes côtés alors que tu apprenais à lire et à écrire, à parler couramment. Tu es un génie capable d’apprendre extrêmement vite ce qu’il voit mais tu as du mal à répéter ce que tu entends. J’étais fière de voir mes efforts porter leurs fruits, et j’étais heureuse d’endosser le rôle de mère même si ce n’était que pour très peu de temps. Parfois tu étais renfermé, tu ne voulais pas parler, mais ça ne m’empêchait pas de vouloir te prendre dans mes bras et te laisser t’ouvrir à moi. J’ai sentie à quel point tu étais seul pendant aussi longtemps, et je n’ai cessée de pleurer pour ce pauvre enfant et à remercier Dreamland de t’offrir une nouvelle chance.
Bientôt nous ne serons plus ensemble et je ne peux m’empêcher d’avoir des regrets. Je ne pensais pas pouvoir autant m’attacher à toi alors que je savais mon heure arriver. Je ne voulais pas que tu puisses vivre une séparation aussi triste, mais il est trop tard pour faire marche arrière. Pardonne-moi si par ma faute tu te sens de nouveau seul, si tu es triste ou si tu pleures…
Je ne pense pas avoir le droit de décider d’une chose aussi importante, car tu es l’enfant perdu d’une mère qui sûrement seule et triste à l’heure qu’il est. Elle ne doit sans doute pas savoir où tu es et rien que de penser à ce que je m’apprête à faire me déchire le cœur. Mais je souhaite plus que tout te donner un nom. Le nom que je voulais donner à mon enfant si ça avait été un garçon : Weiss.
Merci de m’avoir permis d’être une mère pour toi pendant ces quelques moments merveilleux. Sache que je ne cesserais de te regarder grandir depuis Edenia.
Ta mère qui t’aime, Anna
Partie III – Un appel à l’aventure, un monde sans limite au-delà des murs du foyer.Des années ont passées depuis que j’ai souillé ces couloirs avec mes pieds nus et sales. Des années se sont écoulées alors que j’ai relâché cette main autrefois chaleureuse, reposant désormais auprès de ses proches dans le royaume des esprits. Aujourd’hui j’étais seul, dans la forge de mon maître, avec pour seule compagnie le son unique d’un marteau frappant le fer chaud. Avec un rythme bien précis je soulevais la masse de métal gravée sur tous les plans, rabattant sa surface plate contre la lame encore incomplète. Mes pupilles capturaient chaque instant, chaque étincelle s’échappant à chaque coup porté. J’étais aspiré dans ce travail bien connu par mon maître et moi-même. Les secondes se transformaient en minutes, les minutes en heures, les heures en jours. Pourtant c’est avec ces yeux que je me repasse en mémoire toutes les phases par laquelle cette lame sans nom a dû traversée pour en arriver là. J’ai vu le métal fondre afin de le reformer, pour ensuite poursuivre l’œuvre jusqu’à ce que j’y aille à coups de marteaux pour lui donner une forme, une identité, une vie.
Chaque coup que je portais, avec ce marteau fait pour moi par mon maître, était un message à l’intention de la lame. Comme si je lui racontais une histoire où chaque frappe était une page. Je repense à ces années à rester avec mon maître, à l’observer dans son travail, à vouloir l’imiter pour au final chercher à le comprendre. Ce n’est pas passion ou par convictions que j’ai souhaité prendre en main ce marteau, j’ai souvent été contre l’idée de créer des armes capables de blesser, voir de tuer. La raison qui m’a poussé à m’engager dans cet univers aussi fermé que mystérieux n’était pas si compliquée, au final je souhaitais juste savoir ce que ressentait mon maître alors qu’il soulevait ce marteau plusieurs heures dans une journée, alors qu’il n’osait pas cligner des yeux alors que des étincelles jaillissaient de son effort sur le métal brûlant. Ce n’est qu’après autant de temps que j’ai commencé à comprendre, ce sentiment de sérénité alors qu’il n’y a que la forge, l’objet à forger, et moi : le forgeron.
Je plonge le métal rouge dans l’eau issue des cascades gelées du royaume des glaces. La vapeur recouvre la pièce, une odeur que je pouvais reconnaître entre mille se dégageant. La sensation de créer quelque chose qui n’aurait pu exister sans nous, l’idée même d’imaginer dans quels scénarios cette chose pourra changer la vie d’une personne ou de nous même… Je ne pourrais la remplacer pour rien au monde. C’est souvent à la poursuite de cette sensation que j’ai décidé de me tourner vers la peinture, le dessin, la sculpture… Recréer des paysages décrits uniquement par des mots, mettre en perspective ce que mon esprit a déjà entrevu à travers mes yeux, telle est ma façon de m’exprimer la plus pure en ce moment, telle est ma manière de vouloir exister aux yeux des autres. Du moins… C’est ce que je pensais au début, alors qu’enfant j’avais tout juste achevé l’une des peintures les plus importantes à mes yeux : le dernier sourire d’Anna, celui qu’elle m’avait offert en même temps que ces mots pleins de reconnaissances.
J’étais tellement fier d’avoir réussi pu retranscrire exactement ce que j’avais vu ce jour-là, comme si je faisais honneur à la mémoire de cette seule femme étant allée jusqu’à m’aimer comme son fils et me donner un nom. Mon nom. Et pourtant au moment de passer le dernier coup de pinceau, j’ai senti comme mon cœur se faire saisir par mes pensées torturées, les mêmes questions que je me suis posé alors que j’étais face à Anna reposant dans son lit de mort : pourquoi ? Pourquoi fallait-il qu’elle meurt ? Etait-ce vraiment parce qu’elle était malchanceuse comme l’avait dit mon maître ? Est-ce que le destin des créatures de Dreamland est régit par la chance qu’offre ce monde souvent dépeint comme magnifique mais aussi raconté comme étant cruel et froid ? Les quelques ermites qui vivaient dans cette demeure avaient chacun leur propre réponse : certains disent que c’est le destin qui guide nos pas, d’autres que c’est notre force qui nous permet de surmonter les épreuves de la vie, alors que la plupart affirment que la volonté est la clé pour ne pas se laisser emporter dans la tempête appelée Dreamland. Je ne pouvais pas savoir qui aurait raison, quelle était la vision à suivre… La seule chose que je savais c’était qu’Anna est morte à cause d’une profonde blessure, qu’elle était la victime d’une attaque, qu’elle a perdue sa famille sans pouvoir rien faire…
C’est pour ça que j’ai décidé de vouloir cette force que je n’avais pas et que d’autres ne possédaient pas. Je voulais devenir fort mais pas uniquement pour moi, je voulais être une figure aussi puissante que mon maître : une personne capable de venir en aides à ceux dans le besoin. J’ai demandé à apprendre et ma demande a été répondue, j’ai trempé dans la sueur et dans mon propre sang pour répéter des centaines, des milliers, des dizaines de milliers de fois chaque coups, chaque mouvements. C’est par ce biais que j’ai appris à reconnaître ce bras si différent du reste de mon corps, aussi effrayant que puissant, je n’ai pu m’empêcher de le reconnaître comme une partie de moi qui évoluée au même titre que je grandissais avec les années. Un jour tout mon corps sera transformé, dans quel but ? Je n’en avais aucune idée, je ne savais rien de mes origines et ce n’est pas les questions que je me posais pendant que je m’entraînais. A chaque coup porté contre un ennemi sans visage, j’étais certain de devenir au fil du temps de plus en plus fort, et pourtant… Dans quel but ? Etais-je seulement capable de me servir de cette force dans le but que je lui ai donné à l’origine ? Si j’utilise cette puissance contre quelqu’un, contre un ennemi… Est-ce vraiment bien d’en arriver à tuer quelqu’un pour sauver une autre vie ? N’y a-t-il pas de chemin plus sain ?
J’en étais arrivé à un stade où j’ai fini par baisser les bras, à regarder mes propres pieds en me demandant bien qu’est-ce que j’ai bien pu faire jusqu’à maintenant. Je ne savais même plus si la raison pour laquelle j’ai décidé de devenir plus fort était la bonne. J’étais perdu au-delà de ce que j’aurais pu me douter. Et avec le doute vient la frustration, celle de ne pas savoir quel chemin prendre, comme si on finissait par s’effacer petit à petit jusqu’à oublier même qui nous sommes, car même nous ne pouvons tirer de conclusion. La seule chose qui venait à m’apaiser c’était la main de mon maître se posant sur mon épaule. «
Weiss, tu es jeune et tu as soif de réponses. Pendant des années tu as grandis avec des créatures ayant décidé de se retirer de Dreamland, tous avec leurs propres raisons. Tu nous as observé, tu nous as imité, tu as tout appris de nous, il est peut-être temps que tu sortes de ce foyer et découvre Dreamland. » J’ai soupiré, et j’ai décidé qu’il était temps pour moi de m’affranchir des murs de cet endroit que j’appel « Maison ».
Pourtant, en me retrouvant face aux portes, j’ai senti mon corps se figer pendant un instant. L’image de cette sortie de la décharge métallique me revenant en tête, cette vision vers un horizon inconnu, à suivre cette personne qui venait me tirer de ce songe froid et répugnant. Cette personne était désormais derrière-moi et me frapper le dos de sa paume, m’incitant à marcher sans me retourner. Car à présent, c’était à moi de marcher vers ma voie, et de prouver être un homme capable de ne jamais dévier de son chemin.
ÉpilogueMon premier regard sur le monde. Pendant plusieurs jours et nuits j’ai traversé quelques royaumes, n’étant pas très confortable par ce que j’ai pu voir la plupart du temps. Un étrange contraste se créant alors que j’étais à la fois charmer par les paysages qui m’étaient inconnus, et intrigué par les nombreux combats et escarmouches entre plusieurs forces. Je savais que des royaumes partaient en guerre très souvent, que cela soit contre une puissance externe ou contre leur propre peuple divisé. Mais le voir de mes propres yeux n’a apporté qu’une touche de réalité à l’idée que je me faisais de la guerre, avec en plus une certaine tristesse. Je savais que ce n’était pas mes affaires, qu’à moi tout seul je n’avais certainement pas la force de régler les conflits. Mais cela ne m’empêchait pas de traverser plusieurs zones à risques, volontairement, de croiser des innocents traités comme des dommages collatéraux et de faire ce que je pouvais pour les soigner et les écarter du conflit. Plusieurs fois j’ai dû faire face aux forces armées des factions combattantes, et c’est de mes propres mains que j’ai dû me défendre. J’avais pour principe de ne jamais tuer quelqu’un, même involontairement. C’est pour cela que lorsque les mots échouaient et que la marge de manœuvre était limitée, je n’hésitais pas à fuir après avoir laissé le temps aux réfugiés de fuir.
J’ai pourtant fait face à l’échec, plusieurs fois. Des hommes sont morts en venant à mon aide alors qu’une fois j’ai failli mourir de la main de soldats. J’ai dû moi-même les enterrer car c’étaient des personnes qui avaient tout perdu dans la guerre, et qu’il ne restait plus personne pour leur offrir une sépulture décente. J’étais frustré et en colère, mais pas contre les soldats qui faisaient la guerre. J’étais à la fois en colère contre moi pour ma faiblesse mais aussi envers ceux qui préféraient résoudre les conflits d’intérêts par la poudre et le tranchant de leurs lames. Je ne comprenais pas leurs raisons, et quand bien mêmes plusieurs arguments existent pour aller dans leur sens… Je ne pouvais pas l’accepter. Pas en tant que personne qui a vu les victimes de ce conflit, pas en tant que personne ayant dû enterrer des hommes ayant sacrifié leur vie pour un inconnu comme moi qui ne faisait que passer et qui a tenté de les sauver. C’est sur cette défaite que je me retirais de ce conflit qui ne semblait jamais prendre fin, reprenant ma route alors que je gardais la tête blessée et le doute envahir mon esprit. J’ai continué à marcher sans me retourner, décidant de ne m’arrêter que pour me reposer. Lorsque je suis sorti de la 4ème zone, de nombreuses choses changèrent. J’ai croisé davantage de royaumes qui ne pointaient pas les inconnus avec une arme, plus de villes ouvertes au commerce et aux échanges de cultures. Petit à petit je sentais le monde reprendre des couleurs à mes yeux, de quoi me redonner le sourire.
Bien sûr tout n’était pas rose et il y avait bien des choses pour prouver que ce monde restait dur envers ceux qui n’étaient pas assez forts. Par hasard j’ai fini par faire face à ce marchand d’esclave qui vendait des créatures conscientes, des hommes et des femmes. D’après lui la plupart étaient des criminels ayant été punis, d’autres des personnes abandonnées et vendues par leur famille pour un peu d’argent. Je ne pouvais m’empêcher d’avoir de la peine pour ces personnes qui allaient devoir vivre une vie qui ne leur appartenait même plus. Si cela ne tenait qu’à moi… Je n’hésiterais pas à les libérer pour leur donner une seconde chance, mais ce n’est pas comme si je pouvais forcer le marchand d’esclaves à tous les relâcher alors qu’il est dans le droit de réaliser ce genre de commerce dans ce royaume. Et je n’avais clairement pas la monnaie nécessaire pour tous les acheter, mais pouvais-je réellement passer mon chemin ?... Du coin de regard je pouvais observer une petite créature respirant difficilement. Elle a été battue au-delà du raisonnable et donner l’impression de pouvoir mourir d’un instant à l’autre. Une créature qui paraissait si jeune, si petite… Dans un sens j’avais l’impression de me revoir dans cette cabane faites de métaux ramassés par-ci par là, à chasser des rats pour pouvoir survivre. Je finissais par me retrouver à la même place que mon maître à l’époque, à observer cette vie subir la malchance de Dreamland. Avais-je vraiment le droit de détourner le regard alors que mon maître à réussi à prouver, à travers moi, qu’il suffisait de tendre la main pour sauver quelqu’un des ténèbres ?
Je finis par sortir de ce royaume, avec dans mes bras la créature. Comme elle était blessée j’ai décidé de la soigner et de l’enrouler dans un drap afin de la garder au chaud et dans le confort. C’était le début de mon aventure, mais j’espérais que pour elle ce serait le départ vers une nouvelle vie plus agréable…