Nouveau Royaume, nouveau partenaire, nouveau larcin[PV Adonis & Lucas]

De très faibles chances que ça se passe normalement ? Une échauffourée serait signe de bonne soirée pour Adonis. Après tout il était venu pour ça ; tester et dépasser les limites imposées par son bras, violer la loi mais pas trop, causer un certain grabuge qui serait vite oublié et qui ne se répercuterait pas à l’échelle mondiale. Juste de quoi pouvoir circuler librement dans les autres royaumes pour un certain temps avant de pouvoir revenir ici en toute liberté, mais sans faire trop de mal aux gens. Une tâche bien difficile en soi, presque insurmontable pour quelqu’un cherchant juste à aider les autres. Mais il apportait son aide à Lucas, une part du contrat était donc réglée.

« Maintenant que nous sommes devant ta maison aux mille plaisirs, je te laisse gérer ça comme tu l’entends, mais tu peux compter sur moi à tout moment. Enfin sauf pour du trafic d’organe, ou de la drogue. Tu peux compter sur moi s’il faut manger une pizza cinq fromages aussi. Je dis ça juste au cas où, hahaha ! Allez, si tout se passe bien je te paye une glace. Tu aimes les glaces ? »

Ses tentatives d'adoucissement de l'atmosphère n'avaient sûrement guère marché, mais il était dans un état d'esprit quelque peu euphorique. C'était la première fois de sa vie qu'Adonis allait peut-être violer la loi ! Un moment à marquer d'une grande croix dans le calendrier, et il espérait ne pas y prendre goût. Pour se rattraper, le jeune voyageur s'était juré de faire une grosse bonne action pour un ou des habitants de ce monde à la prochaine nuit. Un plus annule un moins non ? Ça ne marche sûrement pas comme ça pour de vrai, mais dans sa petite caboche si. Reprenant son sérieux, le soldat au bras de dragon se positionna derrière son compatriote, légèrement sur le côté pour y voir quelque chose. Les bras croisés, il attendait que les choses se passent, à la manière d'un garde du corps. Rigolo à voir, bien que plus large que Lucas, Adonis était plus petit de quelques centimètres. Vraiment un drôle de duo que pouvait former les deux voyageurs.

« Je sens comme une sensation bizarre…Mon bras me démange, l'écaille se répend. Serais-je devenu comme Peter Parker ? Un homme Dragon au sens araignée ? Pfff qu'est-ce que je raconte, ça n'a aucun sens. Découvrir ce monde m'a vraiment chamboulé l'esprit. J'ai toujours préféré Superman de toute façon. »

Des paroles bien en contradiction avec son attitude. Mais il arrivait à garder ces vacheries pour lui pour une fois, au plus grand bonheur des gens présents. Le fait d’avoir un masque cachant son visage lui donnait une certaine impression d’invisibilité. Chose bien sûr complètement stupide digne d’un enfant de quatre ans, mais la combinaison de cette tenue et de ce masque donnait cette impression à qui la portait. Voilà bien quelque chose en totale contradiction avec son pouvoir, qui ne faisait aucunement dans la finesse. Quel beau contraste. Mais son bras le démangeait. Pas une sensation désagréable, plus un enivrement de puissance. Le genre de sensation où l’on se sent capable de faire tout et n’importe quoi. Le sentiment des super-héros lorsqu’ils découvrent leurs super pouvoirs et font la première bonne action. Malheureusement c’est aussi l’état d’esprit qui peut apporter la mort, surestimant ses capacités on peut être amené à prendre des risques inutiles. Mais Adonis se sentait dans un bon jour, de bonnes vibrations l’entourant. Son heure n’était pas venue.

« Bien. Fini de faire le pitre. Concentration maximale, tu peux y aller je suis derrière toi. »

Après avoir prononcé ces paroles, un autre homme était apparu. Sans le masque on aurait pu voir un visage fermé et sérieux. Calme et serein. Scrutateur et attentif. Chaque chose en son temps, et c’était le moment pour faire preuve d’une attitude consciencieuse et réfléchie. Cette mission se devait d’être une réussite.

Ecouter les deux hommes parler tout en restant discret pour ne pas faire échouer le plan A. Lucas était suffisamment intelligent et charismatique pour mener cette mission à bien, se faire passer pour quelqu'un qu'il n'était pas pour berner son opposant. C'était d'ailleurs très intéressant de le voir faire avec autant d'aisance et de simplicité. Adonis se trouvait chanceux d'être dans son camp, un allié de valeur contre les différentes forces obscures et machiavéliques de ce monde. Le possesseur de l'écaille de dragon n'aurait pas été capable d'une telle prouesse aussi spontanément, il lui aurait fallu un certain temps d'adaptation et de préparation. Être trop honnête n'est pas forcément qu'une qualité, surtout dans ce genre de situation. Il y avait là un savant mélange d'acting et de manipulation.

Entendre parler les deux hommes était comme lire un livre du dix-huitième siècle, un étrange dialecte soutenu avec un soupçon de langue de bois d'une part et de franchise de l'autre. Il démangeait à Adonis de prendre part au dialogue, car il était persuadé qu'aucune forme de marchandage n'allait être possible. La dégaine de l'homme en face d'eux était une preuve largement suffisante de son avidité. Ce désir ardent et envieux de posséder le plus d'argent possible se voyait de par sa tenue et les rictus de son visage. Les nombreux motifs de son gilet, la feuille d'or sur son chapeau haut de forme, la broche en feuille de houx et sa canne semblant coûter une fortune n'était pas pour rassurer. L'étrange sourire qu'il arborait ne pouvait que donner l'envie de lui faire partir. Une personne comme Adonis n'aimait pas, hautaine et méprisante. Pour sûr que sa fortune avait été bâtie sur un commerce illégal tout droit sorti de son putride cerveau. Pendant la discussion, le commerçant avait même parlé de vendre des armes. Pas de quoi se pavaner comme tel, il méritait une bonne leçon.

Après les avoir amenés dans sa caverne d'Ali-Baba, l'homme repartit en prenant bien soin de les enfermer, histoire que rien ne puisse disparaître, objet ou humain. N'était-il pas au courant que les voyageurs disparaissaient, pour revenir quelques heures plus tard dans un endroit potentiellement différent, voir à l'autre bout du monde. S'ils avaient un objet en main en se réveillant, le retrouvaient-Ils en se réveillant ? C'était à essayer, mais peut-être pas ce soir. La mission se devait être un succès, et il était grand temps de se mettre à chercher ce fameux masque.
La salle, aussi grande que remplie, arborait des milliers d'objets de toutes valeurs. Il y en avait pour tous les goûts, passant du collier de perle à la lance de guerre ornée d'une lame en diamant. Les objets brillaient de mille feux, étincelants et éblouissants si on s'attardait trop dessus. Mais l'heure était à la concentration. Où pouvait bien être ce masque ? Adonis, sur ordre de son acolyte, avait commencé à fouiller sans vraiment savoir par où commencer. Usant de la force prodigieuse de son bras droit pour soulever les gros objets, l'objet tant recherché restait introuvable. De longues minutes à scruter partout et nulle part.
En déplaçant un gros meuble, le voyageur remarqua le système de sprinklers, robinets automatiques situés au plafond pour lutter contre l'incendie. Étrange de retrouver un système comme ça ici, il y avait quand même de nombreux objets de valeurs qui étaient autant sensibles à l'eau qu'au feu. Mais les plus coûteux était sous une cloche de verre, possiblement sous alarme. En revanche, aucune caméra n'était présente. En même temps, pourquoi installer un système de surveillance dans sa salle des coffres, au sein de son propre repaire, avec des automates armés de tous les côtés ? Une logique qui allait sûrement causer la perte du machiavélique commerçant.

Après quelques minutes, Lucas trouva son objet tant convoité. Les deux voyageurs se trouvant devant, l'affiche de son prix refroidit toutes les personnes présentes. A l'annonce du passage au plan B par l'homme aux masques, Adonis esquissa un léger sourire et prit silencieusement la parole.

« Tu sais nager ? Moi oui, très bien même. J'ai découvert le système anti-incendie. Il est alimenté par un énorme tuyau qui doit avoir un gros écoulement constant en eau. Si je le romps, la salle va se remplir à vitesse grand V. Tu prends ton dû et j'attends le dernier moment pour briser la porte d'entrée. La panique générée et l'eau s'écoulant partout nous donnera normalement le temps et la diversion nécessaire pour s'échapper. J'attends ton feu vert et je m'occupe de tout avec ça. »

Il était bientôt temps de passer à l'action. Adonis arracha son gant, laissant apparaître son bras luisant d'un bleu profond. La finesse des écailles laissait apparaître le détail de chacune. La puissance toute concentrée ne demandait qu'à s'évader. Les deux compères échangeant un regard, Lucas acquiesçant la stratégie qui semblait fonctionnelle et utile, le jeune voyageur se dirigea vers l'énorme tuyau d'eau. Le prenant à pleine main, il l'arracha d'un coup sec, inondant la pièce. Un magnifique torrent commença à se déverser, un jet impressionnant digne des bornes incendie le long de la route dans le monde réel. Il ne fallut pas attendre longtemps avant que le niveau de l'eau ne monte, quelques minutes au plus. Sans un bruit, Lucas s'approcha de l'entrée et la brisa, son masque en main. Il n'y avait plus qu'à observer et suivre l'écoulement, ou plutôt l'inondation qui était en train de se propager dans le bâtiment.

Visiblement, le plan d’Adonis était à moitié en échec. Les automates n’avaient aucunement été inquiété par la vague d’eau déferlant sur eux. Grâce à leur force bionique ils pouvaient très bien rester debout, solidement cramponnés au sol. La solution du combat était la seule à présent, deux robots devant eux ça pouvait le faire. Mais il ne fallait pas oublier tous les autres présents dans le bâtiment et le fameux commerçant. Cachait-il une certaine force de combat ? Mieux valait ne pas prendre le risque de le découvrir. C’est alors que Lucas eu l’idée de sortir à l’extérieur de l’immeuble, usant de son fabuleux pouvoir des masques pour créer une sortie qui serait directement rebouchée, histoire de masquer la disparition soudaine. Cette échappatoire pouvait être salutaire, en effet l’eau coulait toujours créant une diversion suffisante. Une bonne perte de temps avant de se lancer à leur poursuite.
Mettant son masque sur le visage pour éviter la fumée ambiante de cette ville, la descente s’exécuta sans trop de difficultés. La puissance du bras du dragon était étonnante, une poigne d’enfer et solide pour s’enfoncer doucement mais sûrement dans le béton du bâtiment. Quelques gravats tombaient en contrebas mais rien de bien important. Aucune chance de se faire découvrir avec ça.

« Quelle galère. C’est amusant quand même, c’est un peu "Qui sera le plus intelligent ? ". On ne cesse de changer de stratégie, il ne faudrait pas que ça nous soit préjudiciable. »

La seconde d’après ils étaient arrivés sur le balcon qu’avait aperçu Lucas. C’est alors qu’il soumit l’idée de sauter sur un dirigeable passant à proximité. Une idée folle, mais au combien excitante. L’ivresse contenue dans l’écaille du dragon se déversa dans tout le corps d’Adonis, lui donnant des fourmis lorsqu’il était inactif. Pas très agréable comme sensation, il se devait de bouger, et ça allait être chose faite incessamment sous peu. Le premier appareil était en vue, le voyageur attendit qu’il soit suffisamment prêt, usant de toute la patience dont son esprit était capable, puis s’élança en sautant de toutes ses forces. Prenant appui avec sa jambe contre la rambarde du balcon, celle-ci s’écrasa légèrement sous la puissance dégagée, on pouvait d’ailleurs apercevoir la forme d’un pied. Pas vraiment discret comme saut. Personne n’avait rien vu ou entendu, à l’exception du voyageur aux masques bien sûr. L’atterrissage fut légèrement violent, quelques roulades sur la surface gonflable avant d’essayer de se stabiliser. Bien difficile avec tout cet élan pris et la surface sphérique du ballon.

« Je glisse je glisse ! Il faut que je me rattrape à quelque chose je n’ai vraiment pas envie de finir comme une purée en bas ! »

A deux doigts de finir dans le vide, Adonis s’accrocha à une poignée qui dépassait du wagon du dirigeable. Celle-ci, sous le poids de l’homme faillit se briser, émettant un léger craquement, et ouvrit une porte. Rapidement et pour sauver sa vie, le jeune homme monta à bord, pas vraiment d’autres choix, et le raffut causé juste avant avait sûrement averti tous les passagers à bord. C’était un grand espace sans cloisons, des bancs étaient disposés contre les murs avec dessus des hommes en uniformes. Visiblement c’était un dirigeable des forces de l’ordre. Encore une bonne idée qu’avait eu Adonis….

« Bonjour messieurs dames… Désolé du dérangement mais la situation était désespérée. Voyez-vous, je suis voyageur et je viens d'apparaître pour cette nuit. Ne sachant pourquoi j’étais sur votre moyen de transport. C’est alors que j’ai glissé et me voilà. Ah oui je suis accompagné aussi. C’est drôle non ? »

Un mensonge fait au culot, mais qui avait quelques chances de fonctionner. La curiosité des gens et le ton assuré du voyageur étaient une bonne chose, encore fallait-il qu’ils ne se posent pas trop de questions. Quelques-uns s'étaient levés, mais n'arboraient qu'une expression d'étonnement. Aucun n'avait visiblement l'intention d'en venir aux mains, espérons que ça se concrétise jusqu'à l'arrivée de Lucas.

L’arrivée de Lucas n’avait pas été trop longue. Il avait même pris le temps de bien étudier la situation et de tourner son entrée à son avantage. Il fallait dire qu’au premier coup d’œil on ne pouvait que lui faire confiance. Grand, bien droit,  en forme et sûr de lui. Autant de qualité qui font un bon orateur. Adonis avait quant à lui eu moins de chance avec son entrée fracassante. Heureusement personne n’avait remarqué son bras parsemé d’écailles de dragon. Sûrement qu’ils prenaient ça pour une suite de son costume quelque peu burlesque. C’était donc de bon augure pour la suite.
Une fois les deux compères assis, Adonis se croyant sorti d’affaire, une chose l’interloqua. Son partenaire de crime restait droit et tapotait son index sur sa cuisse, comme si quelque chose le préoccupait. Avait-il peur que les autorités sur place découvrent ce qu’il cachait dans sa veste et ne soient plus si amicaux, ou autre chose le turlupinait ?

* Que de boulettes ce soir. Je me demande vraiment si je lui ai été d’une quelconque utilité. Peut-être aurait-il mieux réussi sans moi. Ne sois pas défaitiste Adonis, tu es capable de mieux, parce que…parce que ! Merde, des flics ! Le grand bonnet contrôle la ville et s’ils sont tous là ça doit sûrement être à cause de l’alarme que nous avons déclenché. Bon pas de panique j’ai peut-être une solution..qui risque d’être brutale. *

Une énième idée venait de surgir dans sa tête qui devait être en ébullition depuis le début de la soirée. Le voyageur soldat ne voyait qu’un seul moyen de descendre sans avoir à combattre autant de personnes, et du coup devenir un véritable hors-la-loi. Il fallait s’écraser, aussi doucement que possible pour ne pas être blessé. La baudruche du zeppelin était solide, mais pouvait-elle résister à  un projectile lancé par un possesseur d’écaille du dragon ? La question allait trouver réponse dans quelques instants. Mais il fallait faire ça discrètement bien sûr. Le choix du matériaux à lancer était important. Il ne devait être capable de passer à travers le bois de l’embarcation, et d’entamer le ballon au-dessus. Quoi de mieux qu’un petit gravât de béton, vestige de l’escalade d’il y a à peine quelques minutes, coincé dans son gilet.

« Ne sois pas surpris et fais mine de rien. Cramponne toi bien par contre.  Ça peut secouer. »

Des paroles prononcées en douceur, de façon à ce qu’uniquement Lucas entende. Le maître mot était la discrétion à partir de maintenant. Il fallait attendre un bruit suffisamment fort pour couvrir le bruit de l’impact qui allait se produire. Le faire soi même était trop risqué, et attendre qu’il arrive l’était tout aussi. Car il pouvait très bien ne jamais se produire. Adonis cala le petit gravât de béton entre son pouce et son majeur en contracta toute sa main. On pouvait remarquer les muscles se bander, faisant luire les écailles présentes. Toute la puissance était là, prête à faire feu, attendant le coup de départ.

« Gniiiii-sssss-poc-niiiii »

Un épais grincement venant du gouvernail, l’appareil changeait de direction pour se diriger vers l’entrée du bâtiment que les deux voyageurs venaient de quitter. Le projectile fonctionna parfaitement, lancé grâce à une pichenette des plus brutales. Passant à travers la cloison en bois comme dans du beurre, il avait fait de même pour l’énorme ballon, entrant en dessous pour ressortir au-dessus. Bingo ! Mission réussie. Les deux petits trous laissaient donc échapper la vapeur servant à stabiliser et faire voler le zeppelin. L’appareil amorçait donc une descente imprévue, mais lente et contrôlable, à hauteur de la taille de la fuite.

« On descend chef ! Je n’y comprends rien. Nous sommes en marche avant quatre. Que fait-on ?»

« Marche avant six. En avant toute. Plus de puissance ! Nous sommes attendus ! »

Le navigateur s’exécuta sans réellement chercher à comprendre le problème. Qu’ils sont bêtes ces soldats, à force de dire que réfléchir c’est désobéir, ils le font vraiment. Augmentant la puissance pleine balle, l’afflux de vapeur augmenta grandement. Mais le résultat n’était pas celui escompté. Au lieu de gagner en altitude, les trous s’agrandirent, provoquant une descente de plus en plus rapide et incontrôlable. C’était panique à bord, crash imminent et sauve qui peut. Presque chacun pour soi même.

« Bien..j’espérais un atterrissage en douceur mais ces idiots ont augmenté la puissance. Accrochons nous.. »

Le crash était imminent. La panique éclatait à bord, pour tout le monde à part les deux voyageurs. Certains courraient, d’autres essayaient de se cramponner de toutes leurs forces. La chute était mi horizontale mi verticale, une vitesse modérée mais promettant un impact quelque peu violent. Lucas était serein, et son acolyte eu vite compris pourquoi. Il allait l’utiliser pour se protéger. Changeant une énième fois de masque pour rapetisser et se cacher dans les vêtements du voyageur draconique. Pas bête du tout n’empêche, il ne restait plus qu’à Adonis de trouver un moyen de ne pas subir trop de dégâts. Protéger tout le corps avec son bras ? Impossible, même s’il était presque indestructible il restait à échelle humaine. La meilleure solution était d’aller se cacher dans le ballon. Endroit le plus élevé et uniquement composé d’une énorme toile de baudruche, même s’il commençait à s’affaisser sur lui-même.

* Bien. Quoi que soient mes actions, je ne pense pas qu’ils me remarqueront. Ces agents de l’ordre sont trop préoccupés sur leurs survies. J’ai peut-être une idée pour nous sortir de là sans trop de dégâts *

Profitant du chaos, Adonis sauta en l’air, le poing dirigé vers le haut à la manière d’un Shoryuken, transperçant à la fois l’habitacle en bois et le ballon. La chaleur aurait dû l’ébouillanter vivant, mais il avait prévu l’énorme fuite. Il faisait chaud, très chaud, mais c’était supportable. L’impact se fait entendre par un énorme fracas. Une glissade sur une centaine de mètres terminant par un arrêt brutal qui ne manqua pas de faire chavirer le voyageur à l’écaille de dragon. L’élan projeta le jeune homme qui traversa le ballon pour se retrouver à l’extérieur. Plus de mal que de frayeur, ils avaient survécu.
Adonis mis quelques secondes à se relever, quelque peu sonné par cette expérience un peu violente. Lorsqu’il ouvrit les yeux, Lucas se trouvait devant lui, en pleine forme et ayant repris sa forme normale. Pas ingrat, il aida son compère à se relever, désirant se mettre à l’écart le plus rapidement possible. L’incident avait rameuté une grande foule de curieux, et les secours commençaient à arriver sur les lieux. Heureusement, les deux voyageurs avaient eu le temps de s’éloigner pour se glisser silencieusement dans une petite ruelle.

« Que d’émotions, on a bien frôlé la catastrophe mais on s’en sort plutôt bien. Comme à chaque fois haha ! Tiens, ton butin. J’espère qu’il te sera utile. »

Le masque était enfin entre les mains de Lucas, et à l’extérieur de ce grand bâtiment. Un léger soulagement pour une mission rondement menée. De multiples péripéties mais aucun combat, chose rare dans Dreamland. De toute façon Adonis se voyait mal mettre à mal des forces de l’ordre corrompues, ce royaume n’inspirait pas confiance de par sa physionomie et sa technologie paraissait redoutable. Il ne devait pas y avoir beaucoup de voyageurs dans cette atmosphère irrespirable.

« Quittons ce royaume avant que notre vol ne s’ébruite. J’aimerai pouvoir respirer normalement et ne pas être pourchassé si possible. J’ai eu ma dose d’action avec cet atterrissage d’urgence je dois dire. Je ne connais pas du tout les alentour par contre. Une idée de quoi faire et par où aller ? »

Les sirènes se faisaient entendre de plus en plus forte. De plus, elles étaient mêlées à l’alarme du bâtiment, toujours en fonction. On pouvait apercevoir de l’eau couler des fenêtres à l’étage d’où les voyageurs avaient fui, preuve que la situation n’était toujours pas réglé pour le commerçant véreux. Une aubaine qui pouvait laisser quelques minutes encore avant un passage à l’action. De plus, la fumée ambiante réduisait la visibilité, parfait pour fuir en toute discrétion.

« Au fait, d’où tu étais tu as pu voir mon magnifique Shoryuken ? Si j’avais reçu une écaille du dragon du feu il aurait carrément été réaliste. Faudrait que j’essaye le hadoken. Ou même un kamehameha. Ça doit être cool. »

L’euphorie de la victoire venait de l’attraper. Adonis relâchait son attention et se mettait à déblatérer n’importe quoi, comme lorsqu’il gagnait un concours de tractions dans le monde réel. Lui qui pourtant arrivait à trouver une concentration extrême lorsqu’il était en mission, faisait preuve d’un état de détente beaucoup trop souvent dans Dreamland. Peut-être car il savait que mourir ici n’affecterait pas sa vie ?

Quelle bonne idée que la station de taxis. Heureusement pour eux et au contraire d’Adonis, Lucas n’était pas fauché comme les blés. Il fallait peut-être songer à remplir ce porte-monnaie du monde des rêves. Mais travaillant déjà le jour, le jeune voyageur se voyait mal besogner aussi la nuit. Il était plus là pour profiter, s’émerveiller de toutes ces fantastiques choses à découvrir. Une pléthore de bidules tout droit sortis de l’imagination du commun des mortels depuis la nuit des temps. Il ne fallait en aucun cas manquer ça. Passant déjà à côté de tant de choses dans le monde réel, ici tout était permis. Ou presque.
La remarque du voyageur masqué sur Street Fighter ne pouvait que faire sourire son compère. Les jeux vidéo ne faisaient pas vraiment parti du quotidien du soldat, il en avait la culture mais ne pratiquait pas des masses.  Ce n’est pas pour autant qu’il n’aimait pas. En revanche parler d’Auschwitz dans une telle situation pouvait être limite, encore trop tôt pour en rire ? Heureusement Adonis était bon public et avait un humour débordant. Enfin, ça dépendait des jours et de son réveil.
Quand vint enfin la question sur le monde réel. Etait-il sage de mélanger les deux univers ? Peut-être pas, ça pouvait même apporter plus de complicité et de camaraderie. Que d’atouts avantageux dans cet endroit sans pitié.

« Je n’ai pas le droit d’en parler. C’est…normalement classé secret-défense. Mais bon, après tout les chances que nous avons de nous croiser la journée est peu probable, surtout que tu ne connais que mon prénom. Je fais partie des forces spéciales de la Marine Nationale, nageur de combat au sein du commando Hubert. D’où mon expérience et mon sang froid. Il me faut juste apprivoiser ce pouvoir. »

Les écailles présentent sur son bras commençaient à se résorber pour n’en laisser que quelques unes sur l’avant-bras, signe que la tension était redescendue, la situation de crise était passée. Enfin…il l’espérait. Quelques heures avaient passé depuis le début de cette nuit, le réveil n’était sûrement pas loin. Mais le temps passait-il à la même vitesse ici ? Il n’en savait rien et n’avait pas de montre à son poignet. Il ne s’était d’ailleurs jamais posé la question. Comme quoi de nouvelles arrivaient nuit après nuit.
Maintenant qu’Adonis s’était aventuré à dévoiler un peu de son intimité, il espérait que son acolyte fasse de même, c’était toujours plus agréable d’en savoir plus sur la vie d’une personne.

« Et toi du coup ? Dans quoi tu trempes dans le monde réel ? Laisse-moi deviner…encore étudiant ? En art ?! Peintre, ou dessinateur ? Haha c’est l’impression que tu me donnes de toi désolé si je me trompe. »

Mais avant même de laisser le voyageur aux masques répondre, Adonis tendit son bras pour une franche poignée de mains. Un signe d’amitié et de remerciement pour cette nuit amusante et quelque peu chargée en action. Ce n’était pas souvent qu’il avait l’occasion de rigoler comme ça tout en étant plongé dans un flot continue d’actions.

« Tu peux faire appel à moi quand tu le souhaites, pour autant que je sois disponible bien sûr. Et j’espère que ce sera pareil pour toi, j’ai bien le sentiment que de grandes choses nous attendent. »

Des sentiments qu'il espérait partagés. Ça pouvait être drôle si Lucas n'en avait que faire et remettait le voyageur à l'écaille de dragon à sa place. Enfin, dans un sens...puis ce n'était pas dans ses habitudes de faire autant étalage de ses sentiments, c'est vraiment que la nuit avait été fabuleuse jusque-là.
Les bâtiments défilaient et on commençait à apercevoir ce qui ressemblait à un aéroport pour zeppelin. Enfin de quoi quitter cette ville et par la même occasion ce royaume. Il faut dire qu'il n'était pas trop chaleureux et accueillant. Même s'ils venaient de commettre un larcin, il ne faut pas l'oublier...toute la panique qu'ils avaient quitté quelques minutes auparavant était de leur faute à tous les deux. Mais après tout, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Et voilà, une amitié chevronnée était née de l'accomplissement de plusieurs péripéties communes entre deux personnes. Cela faisait donc un total de deux personnes sur qui il pouvait désormais compter : Aris Kostas, le possesseur de l'écaille du dragon du magma, et bien sûr le noble Lucas Moreas présent ici même. Une poignée de main partagée en guise de remerciement et d'accomplissement. Il était sûr qu'ils allaient se revoir, certainement prochainement même. Mais qui sait ce que peut vraiment être le futur ?
Le fait qu'il soit étudiant n'était donc pas vraiment une surprise, par contre Adonis n'aurait pas mis un billet sur sa terre natale, la Belgique. Il n'avait remarqué aucun accent, chose étonnante, ou alors c'était un des prodiges de Dreamland ? Il faudrait le rencontrer dans le monde réel pour élucider ce mystère.

« Tiens j'ai toujours voulu visiter les USA, notamment les deux côtes ainsi que le Texas. Si j'ai l'occasion un jour je te préviendrai ici même, un petit road-trip sur la route soixante-six en Harley ça peut carrément être pas mal. »

Adonis était effectivement jeune, du haut de ses vingt-deux ans il était déjà un soldat accompli. Il faut dire qu'en quatre ans de service, son tableau de missions était déjà bien garni. Un mental d'acier, une abnégation innée et un physique très bien entrainé depuis l'enfance. Des qualités qui ne passaient pas inaperçues dans le monde militaire qu'est l'armée française.

« Je me suis engagé tôt, dès ma majorité en fait. Il est vrai qu'en termes d'années de carrière je suis encore jeune, mais j'ai vu et fait des choses que peu de personnes peuvent se targuer de connaître. Bref c'est quelque chose dont on pourra peut-être reparler au détour d'un lait fraise dans le monde réel un jour. T'es encore étudiant, t'as droit à l'alcool ? Hahaha je rigole. Je prends note pour Maskaria du coup, si tu en fais l'éloge c'est que ça doit être amusant. J'essaierai de ne rien détruire... »

A peine ces mots prononcés et le sourire de Lucas s'effaça, pour ne laisser qu'une légère trace de fumée. Le personnage s'était évaporé, signifiant son réveil dans le monde réel. La nuit était finie, ou presque, l'heure d'Adonis n'allait donc pas tarder à arriver. Mais une chose semblait l'interloquer. Une sensation étrange qui commençait à se faire sentir avec plus d'insistances dans son corps. A vrai dire c'était une perception similaire à celle qu'il avait dans son bras droit quand l'écaille de dragon se développait. Lors de sa première nuit ici, il n'y avait qu'une seule écaille. Au fur et à mesure des nuits, et surtout de celles où le voyageur utilisait son pouvoir, de plus en plus d'écailles restaient sur le bras, sans se résorber. Etrange comme phénomène mais il semblait gagner en puissance grâce à ça. Une espèce de picotement se faisait sentir quand elles se multipliaient sur la peau de son bras. Bizarrement, cette même sensation devenait perceptible sur son front. Une conséquence de son gain de pouvoir, ou juste un effet secondaire ? Adonis allait devoir attendre avant de savoir.

* J'espère que je ne vais pas me transformer en dragon…peut-être que je devrai retrouver celui qui m'a donné ce pouvoir pour enfin avoir toutes les réponses que je désire. Mais où commencer à chercher ? Et si j'en parle trop je ne ferai qu'attirer l'attention sur moi…Je verrai ça plus tard. *

La phrase tout juste terminée et le voyageur s'évapora à son tour. La nuit était belle et bien terminée, ayant apportée son flot d'amusement et d'action, de péripéties et de retournements de situations. Une nuit donc bien chargée mais dont le déroulement avait été parfait. Le but était accompli et personne n'était mort.