L'arène improvisée

Je me relève, du sang au bord des lèvres. Putain, cet enfoiré a cogné dur ! J’ai la tête qui tourne, mes jambes tanguent, je souris de toutes mes 31 dents. Le viking couvert de cicatrices que j’affronte fonce dans ma direction, j’attrape le corps d’un mec évanoui et lui balance dans les jambes afin de le gêner.

Ma tentative marche, mais pas comme prévu. Il s’arrête, attrape le corps du mec et le lève bien haut tout en hurlant. Les gitans Lopez qui nous servent de cercle se mettent à beugler de plus belle. Je sais ce qu’il va faire, il va briser ce mec sur son genou. Sauf que c’est moi son adversaire. Mon sourire se fait malsain, c’est moi qui fonce sur lui à présent.

Je me jette sur lui telle David sur Goliath et agripe son putain de corps bardé de muscles pour la guerre. Oh putain comme il m’excite ! Mais aujourd’hui, on fait la guerre, pas l’amour. Il essaie de me chasser avec le battoir qui lui sert de main, comme d’une mouche sur son épaule, mais je l’escalade jusqu’à être face à sa putain de tête. Il lâche le corps pour me saisir la tête et il se met à me comprimer le visage sous les hurlements de la foule.

Il va me faire sortir le cerveau par les oreilles à ce rythme, ahahahahahahahahahahahahah.

Je vois des taches de couleur et je prends mon pied. À mon tour de lui faire du bien, je fais tourner la dent déchaussée qui vagabondait dans ma bouche et je la lui crache dans l’oeil. Il se met à hurler de douleur et à me lâcher. Est-ce la dent ? Est-ce l’acide du mélange de ma salive ou de mon sang ? Je m’en branle, je suis là pour m’amuser, pas pour résoudre des énigmes.

Je reste accroché à lui et lui balance des coups de tête. Putain, il a le crâne solide cet enculé ! Je lui crache dessus afin de ramollir la pâte. Cela a l’air de fonctionner, et je continue. Des craquements sinistres se font entendre et les torses nus deviennent extatiques. Le colosse à la barbe tressée finit par s’effondrer et je me relève, ensanglantée mais heureuse. Aah, je me sens vidée, j’ai bien envie de me prendre une petite bière.

Je m’approche du cercle d’hommes torse nu, ils sont en délire. En même temps, je viens de mettre fin à la série de victoires d’un viking qui faisait trois fois mon poids. Pour eux, c’était David contre Goliath, même s’ils ont jamais dû ouvrir une Bible de leur vie.

— PARTEZ PAS ! ON VEUT DU SANG, DES TRIPES  DE SES MORTS ! ATTENDEZ LE PROCHAIN COMBATTANT !.
— Je reviens tout à l’heure, ducon, j’vais juste me rafraîchir le gosier. Maintenant laisse-moi passer ou j’me servirais de ton sang.

Cela a l’air de leur foutre la trique qu’une meuf leur parle sur ce ton, en tout cas ils me laissent passer. Ou alors, c’est peut-être la dentelle noire qui leur fait tremper leurs shorts ?

J’aime bien ma tenue, en tout cas, bien noire et rougie par le sang, adaptée aux soirées mondaines comme aux combats.

Tenue de la soirée

Maintenant, plus qu’à trouver la buvette, j’ai bien fait de m’incruster à cette grosse soirée dont parlait le Dream Mag. J’étais venue pour la bouffe et la picole mais y a des ravagés qui ont créé cette putain d’arène à ciel ouvert et m’ont permis de prendre mon pied en quelques combats. Bien entendu, je n’ai pas utilisé mon pouvoir, du moins pas intentionnellement.

Cela gâcherait le plaisir.

En marchant, je vois un mec aux oreilles rondes avec une planche de bois et une craie en train de faire la leçon à une poignée de cailloux. L’image me fait sourire et, en retrait, je me mets à l’écouter. Il a l’air sacrément allumé, j’aime bien. Peut-être que lui aussi se sert de Dreamland pour échapper à un réel aussi ennuyeux qu’aseptisé. Ou alors, c’est juste un pauvre con et je devrais pas lui accorder trop d’attention. J’attends de voir mais il y a un truc.

Un mec se fout de sa gueule et le prof improvisé s’approche de lui avant de le faire taire d’une seule mandale.


J’aime ça. Il demande à l’auditoire s’il y a des questions, je m’apprête à répondre mais je me fais griller la priorité par une gamine dont le pied vise visiblement la gueule du prof. Elle se prends pour Mali Airlines, celle-là ?

Puis un mec s’avance lui aussi et demande s’il s’agit d’un cours de combat ou de physique, avant d’expliquer que l’important c’est quand un gars se relève ou pas. Quand un gars ? Je tique même si je suis habitué aux brutes sexistes.

Légèrement derrière lui, j’arrive tranquillement et lui attrape l’épaule avec mon bras.

— Remplace gars par personne ou créature, et tu diras quelque chose de pas trop con, bouffeur de nems.

On me regarde un peu bizarrement, il y a un soucis avec ma tenue.

— C’est quoi le ‘blème, c’est ma coiffure ?

Je passe la main gauche dans mes cheveux et j’en extirpe un truc un peu visqueux et grisâtre : le viking m’a laissé un souvenir, j’ai un peu de sa cervelle dans mes cheveux.

— Ah tiens, un bout de cerveau. Comme quoi, même les vikings en ont ! Bon, on se fout sur la gueule ? T’as eu au moins dix fois le temps de me mettre des mandales depuis que j’ai commencé à l’ouvrir, tu frappes pas les femmes, c’est ça ?

Je dis ça mais j’examine du coin de l’œil ses parties intimes. Dès que je sens une ouverture, par exemple s’il essaie de me frapper, je lui fous le penalty de ma vie dans ses putains de couilles. Cela lui apprendra à sous-estimer les femmes.

Où en étions-nous ? Ah oui, je disais que dès que je sentais une ouverture, j’allais foutre le penalty de ma vie dans les putains de couilles de ce bouffeur de nems. Bon, jusque là, le mec avait un peu l’air de s’en battre les couilles de ce que je disais, allant même jusqu’à se faire un petit cul sec de whisky.

Il tourne enfin sa tête vers moi, tousse dans son poing. Je suis pendue à ses lèvres. Et là, ça va très vite : il me crache à la gueule, je perds le contact visuel et là, je sens une violente douleur qui irradie mes côtes. Ah, ça je reconnais ! Ah ça, ça me rappelle des soirées bien ensanglantées à Delirium City, ça ! C’est une putain de bouteille en verre qu’on vient de me balancer dans les côtes.

Je contre rien du tout, j’étais trop concentrée sur ma cible, à savoir ses ravioles de chair, pour avoir anticipé qu’il attaquerait le premier.

Je récupère rapidement la vision tandis que l’alcool se dissipe sous forme de fumée autour de mes yeux. Putain, c’est pratique d’avoir de l’acide dans ses larmes. Je le vois enfin, tandis que je me tiens un peu en retrait, la main sur ma côte endolorie. Il a l’air tout fier de m’avoir foutu un coup de bouteille et il semble vouloir m’en remettre un.

On va voir si il encaisse aussi bien qu’il frappe, je vais le défoncer ce putain de… nuage. Ce nuage ? Oui, ce nuage, c’est surtout à cause de ce putain de nuage là-haut que je me suis pris ce sale coup. Il a arrêté de cacher le soleil, y a un rayon malencontreux qui m’a aveuglé et j’ai ni vu le mollard, ni le coup qui s’en est ensuivi.

— Eh le nuage ! J’vais te défoncer, soit tu caches le soleil, soit tu le caches pas mais choisis putain ! Attends moi, j’arrive.

Pour atteindre le nuage, va me falloir plus d’allonge. Une espèce de gélatine plutôt bleutée se met à recouvrir mes poings qui prennent un peu de volume, comme s’ils étaient recouverts de gants de boxe visqueux et gluants. Je commence à boxer en direction du nuage, puis je réalise que c’est pas logique. J’ai beau être énervé contre ce putain de nuage, je peux rien faire, c’est comme quand j’suis énervé contre les bouchons ou contre ma charge de travail, j’peux pas les frapper, c’est con de raisonner comme ça.

Je reprends un peu mes esprits et réalise que je suis plus seule, y a pas mal de créatures autour de moi qui sont en train de se foutre sur la gueule, y en a même deux qui se mettent à foncer sur moi.

J’suis pas d’humeur.

Je les imagine avec des nuages à la place de leurs sales gueules de punks à chien et je souris d’un air béat. Oh oui, vous allez prendre pour ces enculés de nuages inaccessibles, mais vous allez prendre…

J’envoie mon poing dans la gueule du plus proche des deux qui se met à gueuler de douleur. Le coup n’a pas forcément fait mal puisqu’amorti par la visquosité de mon acide, par contre ça doit brûler sévère. Je reste le poing tendu, comme si mon bras était la gomme d’un crayon et que j’essayais de lui gommer la gueule. La créature tombe à genoux, en hurlant comme si ses couilles s’étaient retrouvé coincées dans un mixer.

Je crois que ça a réveillé son copain qui n’a plus envie de m’attaquer. Il regarde mon poing gauche qui l’attend puis ses alentours, comme s’il cherchait un échappatoire.

Putain, ce que je prends mon pied. Je me mets à rire comme une démente, puis à grimacer car ma côté droite m’élance sévèrement. Ce qui me fait penser que j’ai une revanche à prendre. Je jette un coup d’oeil aux alentours, fous quelques gnons acidulés aux deux trois tarés qui tentent de ne serait-ce que se tourner vers moi dans cette putain de mêlée grandeur nature puis finis par repérer ma cible.

Lui, c’est pas un nuage que je visualise sur sa gueule, c’est le Nuage, celui qui dissimule le château dans le ciel dans le Miyazaki du même nom. En plus, il trouve de bon ton de dire qu’il est prêt à frapper tout le monde ici, même les grognasses ?

— Eh bouffeur de nems ! J’vais pas te frapper par surprise car j’ai la paire de couilles que tu n’auras jamais et j’viens te la rentrer dans la gorge !

Et j’fonce droit sur lui, les poings en avant. La technique ? Y en a pas, j’sais pas me battre. J’ai jamais su. Nommez-moi n’importe quel art martial et je serais capable de le confondre avec un shooter d'un cocktail club. Non, j’vais envoyer quelques coups de poing en direction de son torse et de sa tête, des cibles faciles quoi. J’vais essayer de pas non plus  m’épuiser trop rapidement, mais même si je le touche pas, y a des chances qu’il soit éclaboussé par de l’acide. Et si je le touche, bah c’est caviar !

T’as déjà mis du vitriol sur ta peau pour voir ce que ça fait ? Non ? T’inquiète le viet, j’vais te montrer ce que ça fait.

Vous saviez que Takoyaki veut dire “pieuvre grillée” ? L’autre jour, j’en ai mangé et c’était vachement bon. C’est la pensée qui effleure mon esprit alors que je me fais happer par des tentacules pour me faire projeter sur le Viet’.

Vous avez l’impression d’avoir loupé un épisode ? Moi aussi. Un instant, je me foutais sur la gueule avec le judokaratémawashika de mes deux et ça se passait plutôt bien même si je m’étais pris son poing en pleine gueule et que mon nez pissait le sang. La preuve, lui s’était mis à gueuler alors que moi, j’avais juste éructé un gros glaviot comme une banlieusarde.

Et voilà que la mioche de toute à l’heure se prend pour un missile, que l’autre se fait avoir en beauté et que tout ce petit monde tente de s’effondrer sur moi, comme si on jouait à Domino Express. Bah réflexe, j'ai fait un petit saut en arrière. C’est pas que j’ai pas envie de vous mettre du vitriol plein la gueule mais je trouve ça beaucoup plus marrant de voir un mec se vautrer face contre terre. Ahahahahahahah !

Sauf que juste après, il y a des gens qui ont commencé à vouloir me niquer mon fun. Avec sons et effets spéciaux, s’il vous plaît ! Ils font apparaître une sorte de cercle de fumée qui les dissimule, ils nous font une jolie petite métaphore filée comme quoi nous sommes des déchets et eux sont les bobos recycleurs de merde. Je soupire.

— Encore des attardés dont les parents ignoraient l’existence des capotes, c’est bien ma veine !

Et c’est là que des tentacules sont sortis du brouillard et m’ont attrapé afin de projeter sur le Viet’. J’suis du genre plutôt curieuse donc je me suis agrippée aux tentacules, mes mains enduites de mélasse acide sur les ventouses et appendices, afin de voir si ça faisait quelque chose au morpheur. Est-ce que l’acide blesse les mollusques ?

—Eh ducooooooooooon ! Ça brûle ou ça va ?

J’crois qu’à la base, il voulait me projeter sur le viet’. Un peu comme quand on fout un coup de frite à la piscine à un pote histoire qu’il tombe dans l’eau. Sauf que j’avais saisi la frite au vol, que j’aime bien les manèges et que j’avais pas envie d’être simplement projetée. Moi aussi, j’avais le droit de niquer le fun des gens. Bon, j’ai peut-être touché le viet’ au passage, j’ai bien heurté des trucs au passage mais je suis en train de vivre mon épreuve de Koh Lanta. Je lâcherai pas ce putain de poteau, je veux mon collier d’immunité !

Vu que j’ai le nez qui saigne encore, je renifle afin de créer des glaviots bien ensanglantés que je compte bien cracher à la gueule du premier connard près duquel les tentacules m’approchent, dans leur tentative de me faire décrocher.

À moins que les secousses finissent par me faire tomber ou que le tentacule cède. Auquel cas, je pense que je tenterai de me rapprocher du brouillard afin d’aller emmerder ceux qui s’y cachaient pour nous attaquer, M. Takoyaki en priorité.

J’ai fini par lâcher, chef. J’ai pas eu le choix, Tentacule-San a eu la riche idée de rassembler ses appendices et de me frapper au sol, comme si j’étais le hochet d’un gamin énervé. Heureusement, il n’a pas dû mettre toutes ses forces dans l’action car j’ai pas senti grand chose. Peut-être qu’il prend son pied, le salaud, et qu’il veut continuer l’apéro.

Bon, je suis couverte de sang, je respire bizarrement et j’ai l’impression qu’on m’a dédicacé les côtes au cutter mais je sens rien. Enfin, rien mis à part une envie de tout casser et à commencer par les gueules d’un quatuor de fouille-merdes.

Je me relève et je tente de mettre un pied devant l’autre. Tiens, c’est marrant, qui fait tanguer le sol ? On est sur un bâteau maintenant ? Ouh la, ça bouge, ça bouge. Je manque de me vautrer et me rattrape sur quelqu’un qui passait par là, ma main ensanglantée en plein milieu de sa figure. Il se met à hurler le pauvre.

— Oups, désolé mais c’est que ça tangue par ici !

Je lui mets un coup de pied pour faire bonne figure parce qu’il m’a brisé les ovaires à se mettre sur mon chemin. J’sais pas ce que j’ai mais j’ai envie de frapper tout ce qui bouge. L’exécution de mon pied-torse est très discutable et cette fois-ci je me vautre en avant, lui faisant une sorte de câlin. Nous tombons tous deux et il se met à hurler de plus belle.

— Ah merde, je me sens pas très… Burp… bien...

Je lui dégueule le contenu de mon dernier repas à la gueule. Il tressaute puis cesse de bouger. Je prends appui sur lui, enfin ce qu’il en reste, pour me redresser. Je crois que ça commence à aller un peu mieux. J'aperçois un mec qui a l’air d’avoir les bras amochés, comme si on les avait brûlés. Il a l’air ultra vénère contre moi.

Me dites pas que c’est Takoyaki ? Je lui fais mon sourire le plus carnassier et je fonce vers lui. Enfin, je marche à une allure modérément rapide et en tanguant presque pas trop. ‘fin je sens que ça penche à droite donc je redresse mon corps vers la gauche, je dois avoir l’air de rien mais ça a l’air efficace. Je sens aussi qu’un second Vomito semble pointer le bout de son nez.

Peut-être un second vomi, puis c’est reparti ?

S’il a la mauvaise idée de me frapper au ventre, avec ou sans tentacule, ce sera pour sa poire. J’ai mes poings qui s’enduisent de nouveau de mélasse acidulée et j’ai une très forte envie de lui ravager la gueule façon Mille Météores de Pégase. Les Chevaliers du Zodiaque et le Club Dorothée, toute mon enfance !

Et si vous pensez que parce que je suis une femme, je ne pouvais pas regarder le Club Dorothée… bah allez vous faire foutre. Et si vous rencontrez un mec qui ressemble à Shiryu et a un tatouage de dragon dans le dos… Filez moi son numéro !